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Véhicule électrique : ne pas rater l'occasion

Le Conseil d'Analyse Economique produit une étude sur le déploiement du marché du véhicule d'occasion, et montre l'intérêt, pour certains, de conserver un véhicule thermique. Contre-intutif ?

Le Conseil d'Analyse Economique produit une étude sur le déploiement du marché du véhicule d'occasion, et montre l'intérêt, pour certains, de conserver un véhicule thermique. Contre-intutif ?

Défendre la sobriété énergétique et budgétaire

Le secteur des transports est le seul en France où les émissions de gaz à effet de serre (GES) stagnent depuis les années 1990, représentant désormais 33% des émissions totales. La lutte contre le changement climatique exige une transformation profonde des modes de vie. Bien que l'innovation technologique, comme la baisse des coûts des VE, soit cruciale, elle ne suffit pas à elle seule.

Les émissions de GES sont une externalité négative globale et intergénérationnelle, dont l'impact se fait sentir avec un certain retard. Il est donc primordial d'agir vite et de compléter les mesures à long terme par des actions à court terme.

Le CAE souligne également que la nature oligopolistique du marché du pétrole peut amplifier l'impact des politiques de réduction de la demande, car l'effet rebond est réduit.

Le marché de l'occasion et les usages au cœur des politiques publiques de l'automobile

Le Conseil d’Analyse Économique propose alors une décomposition des leviers d'action des politiques publiques sur les émissions automobiles :

  • Taille du parc automobile : il convient de réduire le nombre total de véhicules en circulation.
  • Usage moyen des véhicules : Réduire la distance moyenne parcourue par véhicule.
  • Émissions moyennes par kilomètre : améliorer l'efficacité environnementale du parc (par exemple, favoriser les véhicules électriques).
  • Adéquation entre véhicules et usages : assurer que les véhicules les moins émetteurs sont utilisés par les plus grands rouleurs.

Le marché de l'occasion joue un rôle fondamental. Il est très actif en France (3 acheteurs sur 4 achètent un véhicule d'occasion), et l'âge moyen des véhicules augmente. L'étude montre qu'un renouvellement prématuré d'un véhicule thermique vers un VE n'a pas d'impact positif sur le climat si le véhicule thermique est revendu sur le marché de l'occasion et continue d'émettre des GES. C'est le choix du véhicule à l'achat qui doit être influencé, plutôt que le moment de l'achat.

Les flottes d'entreprise sont également cruciales, représentant plus de 50% des nouvelles immatriculations. Il est surprenant de constater que les grandes flottes, malgré les obligations légales, résistent davantage à l'adoption des VE que les petites flottes et les ménages.

Le CAE souligne aussi l’importance des usages. Une réduction modeste de 10% de l'usage des véhicules actuels aurait un impact immédiat sur les émissions et constituerait un complément non négligeable à la transition vers les VE, dont l'effet se fera sentir à moyen et long terme.

L'hétérogénéité des usages (par exemple, un ménage retraité roule moins qu'un ménage de 35 ans) implique qu'il n'est pas souhaitable d'encourager les "petits rouleurs" à se séparer de leur véhicule thermique, car il serait probablement réaffecté à un "grand rouleur" via le marché de l'occasion, augmentant ainsi les émissions globales.

Alors, quelles recommandations ?

Agir sur l'achat du véhicule : privilégier l'électrique neuf et éviter le renouvellement prématuré du thermique

  • Le CAE insiste sur l'idée que les politiques doivent se concentrer sur l'influence du choix de véhicule au moment de l'achat, plutôt que sur l'incitation à remplacer un véhicule thermique encore fonctionnel.
  • Cibler l'acquisition de véhicules neufs à très faibles émissions : l'objectif principal doit être d'encourager l'achat de véhicules électriques (VE) neufs. C'est là que réside le potentiel de réduction des émissions le plus significatif à long terme, étant donné l'intensité carbone de l'électricité française.
  • Ne pas encourager le renouvellement anticipé des véhicules thermiques: l'étude démontre qu'inciter les ménages à se débarrasser prématurément de leur voiture thermique pour acheter un VE n'a pas un impact positif sur le climat. En effet, dans 80% des cas, le véhicule thermique est revendu sur le marché de l'occasion et continuera d'émettre des GES. Le CAE estime qu'un tel véhicule émettra en moyenne 60% des émissions restantes de sa durée de vie. Le coût environnemental lié à la fabrication d'un nouveau VE doit également être pris en compte.

Agir sur l'usage : réduire les kilomètres parcourus et optimiser l'adéquation véhicule-usage

Au-delà de l'achat de VE, l'étude souligne l'importance des changements d'usage pour des réductions d'émissions à court terme.

  • Promouvoir une réduction générale des usages : même une réduction modeste de 10% de l'usage global des véhicules aurait un impact immédiat et significatif sur les émissions. Cette mesure est complémentaire à l'électrification du parc, dont les effets sont plus progressifs. Les politiques pourraient donc encourager les mobilités douces, les transports en commun, ou le covoiturage.
  • Optimiser l'appariement entre véhicules et usagers : l'étude met en lumière une hétérogénéité importante dans les kilomètres parcourus par les conducteurs. Il est crucial que les véhicules les plus polluants soient utilisés par les "petits rouleurs" (ceux qui parcourent peu de kilomètres) et les véhicules les plus propres (VE) par les "grands rouleurs". Le CAE souligne qu'il n'est pas souhaitable d'encourager les "petits rouleurs" à vendre leur véhicule thermique, car ce dernier serait probablement acquis par un "grand rouleur" sur le marché de l'occasion, augmentant ainsi ses émissions globales. Les politiques pourraient donc inciter les grands rouleurs à adopter des VE, par exemple via des avantages fiscaux ou des infrastructures de recharge adaptées à leurs besoins.
  • Cibler les flottes d'entreprise : les flottes d'entreprise représentent plus de la moitié des nouvelles immatriculations. L'étude révèle une sous-adoption des VE par les grandes flottes, malgré les obligations légales. Des politiques spécifiques pourraient aider à lever les frictions organisationnelles ou financières qui freinent cette adoption, car leurs choix déterminent l'offre de véhicules d'occasion pour les ménages.

Agir sur l'information et la sensibilisation

  • Informer sur l'impact réel des émissions : fournir des ordres de grandeur sur les émissions de CO2 des différents types de véhicules, incluant leur fabrication, et le coût social du carbone associé, afin que les consommateurs puissent évaluer l'impact de leurs choix.
  • Mettre en évidence le rôle du marché de l'occasion : expliquer aux consommateurs l'effet de "fuite de carbone" lorsque des véhicules thermiques sont revendus sur le marché de l'occasion plutôt que mis à la casse, afin de favoriser des comportements plus responsables.

Publié le 11 juillet 2025