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Les enjeux de la conférence de financement selon Ecov

Dans ce format, l'Alliance donne la parole à plusieurs de ses membres, d'horizons variés, afin de souligner les enjeux propres à la conférence de financement des transports, lancée au printemps 2025. Ici, l'Alliance accueille ECOV, qui déploie des lignes de covoiturage.

Dans ce format, l'Alliance donne la parole à plusieurs de ses membres, d'horizons variés, afin de souligner les enjeux propres à la conférence de financement des transports, lancée au printemps 2025. Ici, l'Alliance accueille ECOV, qui déploie des lignes de covoiturage.

Alliance : la conférence de financement des transports, Ambition France Transport, est désormais lancée depuis quelques semaines. Qu’en attendez-vous ?

ECOV : il est temps de passer au XXIe siècle. Les problèmes de ce siècle ne sont pas ceux du siècle dernier, et pourtant le logiciel du monde des transports ne semble pas s’être mis à jour. Aujourd’hui, la capacité de transport disponible en France est bien supérieure au besoin de mobilité. Les capacités latentes, c'est-à-dire les places/km non utilisées, représentent, tous modes confondus, un gaspillage considérable : plus de 2 000 milliards de places/km, soit… de quoi déplacer chaque Français sur 30 500 km/an .

Nous devons sortir de ce modèle. L’enjeu n’est plus de créer des capacités de transport, mais d’optimiser les systèmes existants, afin de satisfaire les besoins à un coût économique et environnemental réduit. Or, si en valeur absolue, la puissance publique dépense davantage pour la route (32 md€ contre 21md€ pour le ferroviaire ), on constate que, ramené à l’effet recherché – c'est-à-dire aux capacités créées (€/PKO) et au transport des personnes – , elle consacre 5 fois plus de moyens au ferroviaire qu’au routier ; et même, ramené aux opportunités de mobilité permettant d’irriguer les territoires, 500 fois plus au ferroviaire qu’au routier.

La puissance publique concentre donc ses efforts sur le mode de transport le plus capacitaire (ferroviaire), lequel est extrêmement concentré dans l’espace et dans le temps, mais également relativement performant (en taux d’occupation comme en €/voy.km). S’il reste des marges de progression (productivité, diffusion), elles sont bien moins importantes en valeur absolue et relative (taux d’occupation) que pour le routier, qui est aujourd’hui le plus gros gisement de gain de productivité.

La conférence des financements doit donc impulser un changement de paradigme dans une logique d’optimisation de la dépense publique.

Mais cela nécessite de sortir des schémas obsolètes qui opposent voiture et transports collectifs, et séparent infrastructures et services : raisonner en “capacités de transport” (quanti, quali, géographiques) pour répondre aux besoins de tous les habitants, en minimisant l’utilisation du capital (naturel, industriel,…).

Quel regard portez-vous sur les premiers travaux ?

Ecov n’est membre d’aucun atelier de travail mais nous avons consulté les livrets de diagnostic des ateliers “Modèles économiques des AOM et des SERM” et “Avenir des infrastructures routières”. Le premier propose une vision multimodale de la mobilité en réaffirmant la nécessité d’accélérer le déploiement des modes ferrés, routiers et actifs. En termes d’articulation multimodale, il souligne le potentiel du trafic pour adapter le mode de transport utilisé à la densité territoriale, et ainsi réduire le coût au passager/km. Ces éléments sont positifs. Néanmoins, certains points structurels font défaut. La note ne mentionne aucunement la voiture, laquelle est pourtant la réalité de l’immense majorité des citoyens (81% des km parcourus en France !). Le point de vue est donc siloté entre transports collectifs et voitures, idem entre services et infrastructures, usage et technologie. Cette approche, trop classique, ne permet pas de considérer les gains d’efficacité et de productivité du système à maturité.

Concernant le livret consacré aux infrastructures routières, nous saluons le constat posé : la route et la voiture resteront incontournables ; l’enjeu réside donc dans la transformation de leur usage. Néanmoins, là encore, l’approche est silotée. L’usage collectif de la route est uniquement entendu en termes d’infrastructures, sans mention des services, pourtant indispensables pour accompagner l’usage optimisé des routes (VR2+, pôles multimodaux, tarification du stationnement, places de stationnement réservées…). Or, l'infrastructure au service de l’usage nécessite de penser l'interaction entre infrastructure et véhicule. Demain, le véhicule connecté pourra servir de certification de l’usage, et d’outil de communication, entre le service, l'infrastructure et le passager.

La problématique des ateliers devrait être « comment permettre à la population de se déplacer avec moins d’impacts ». Ce qui implique de considérer l’ensemble des leviers, et de mener des travaux conjoints entre infra et services, routiers et ferroviaires, transport et automobile etc. Nous craignons que, sans transversalité, les travaux ne débouchent sur des solutions parcellaires, voire passéistes.

Selon vous, la conférence de financement des transports sera réussie si….. ? L’augmentation du taux d'occupation des véhicules (petits et grands) doit être placée au cœur des priorités, dans une logique d’optimisation des ressources mobilisées. Il ne s’agit pas d’empiler les modes de transport, mais de concevoir et d’encourager le déploiement d’un système multimodal intelligent, qui réponde réellement aux besoins des usagers, en utilisant les capacités existantes. Les Services Express Routiers (SER) s’inscrivent dans cette logique. Ils doivent être déployés en complémentarité avec les lignes de RER Métropolitains et les lignes express vélo pour former une armature ; un dispositif complété par le covoiturage planifié, le transport à la demande, le transport solidaire, et les solutions d’autopartage, afin de proposer un maillage fin du territoire. Une approche globale, soutenue par des infrastructures et des services, avec des voies réservées intelligentes, des hubs multimodaux de tailles différentes, des politiques de stationnement repensées etc.

L’ “ancien système” est générateur d’une “rente” pour certains acteurs (dont l’Etat). Il faut mettre cette rente au service de sa transformation, et permettre à ces acteurs de trouver un intérêt dans le modèle de demain. Les nouvelles recettes ne doivent pas non plus contribuer à financer l’ancien système. Le Fonds Social pour le Climat, l’écotaxe poids-lourds, les recettes des péages autoroutiers et la taxe qui remplacera un jour la TICPE doivent être reversés aux usagers qui payent, et qui doivent changer leurs habitudes. Cette redevance peut prendre la forme de services qui les incitent à envisager des alternatives concrètes à la voiture individuelle. Enfin, les innovations doivent être orientées vers l’amélioration de l’usage des modes de transport : c’est-à-dire ne pas se focaliser sur la technologie du véhicule (électrique ou autonome) mais considérer également son usage (systèmes d'opérations qui permettent la mutualisation des trajets).

Donc cette conférence sera une réussite si nous actualisons notre façon de penser, si une vision politique forte en faveur d’un système de mobilité multimodal, présent dans tous les territoires et à faible impact, est adopté, et soutenu par des moyens suffisants et pérennes issus des inefficacités et des rentes du système actuel, afin de bâtir les secteurs économiques et industriels de demain.

Publié le 30 juin 2025